Lieu de référence

Zotzenberg

Le grand cru Zotzenberg forme un petit val perché dans les contreforts sud du mont Sainte-Odile. Son vignoble, exposé dans une sorte de combe régulière, bénéficie de l'ensoleillement du midi et des vertus des sols marno-calcaires garants de finesse et de longévité des vins.


Les vignes dessinent un vaste damier bariolé jusqu'en contrebas de la commune de Mittelbergheim, bâtie sur le flanc de la colline, face à la vallée d'Andlau et aux premiers abords de la plaine du Rhin. Adossés à un même terroir, le village et son vignoble conjuguent leur labeur au bénéfice de la qualité du vin. Dans les pentes du grand cru mûrissent les fruits dont le suc sublime vieillit lentement dans le dédale des caves creusées à même la roche. Le Zotzenberg, composé de marnes et des calcaires jurassiques et de conglomérats de l'Oligocène, forme un ensemble de quelque 36 ha qui culmine à 320 mètres d'altitude. Abrité des vents du nord et des pluies d'ouest par les collines sous-vosgiennes, il permet a la vigne, orientée au sud et au sud-est, de s'épanouir dans un environnement propice à l'émergence de grands vins.

Lieu de référence
Longtemps réputé pour ses sylvaners exceptionnels, puissants, pleins de fraîcheur et de générosité, le terroir montre aussi ses capacités à engendrer d'autres vins de grande allure. En particulier des gewurztraminers, riches, expressifs aux arômes de violette et de muguet ; des rieslings bien structurés, frais et fringants aux senteurs de pèche et de coing, et des tokays pinots gris exubérants, d'une belle rondeur et persistance au palais. Mittelbergheim, qui figure dans le palmarès des plus beaux villages de France, est aussi une référence dans le vignoble alsacien.

L'implantation de la vigne est ici aussi ancienne que les origines du village. Selon certaines chroniques, il aurait été fondé au VIe siècle par des colons francs en guerre contre les Alamans qui s'infiltraient dans les anciennes possessions romaines. Dans ces lieux "où il y avait plus d'ours que d'hommes", la bourgade se situait au centre d'une contrée où il y avait également tous les éléments indispensables à la prospérité de la viticulture. Elle connaîtra son âge d'or au XVIe et XVIIe siècles, comme en témoignent les riches demeures vigneronnes construites à cette époque et merveilleusement restaurées aujourd'hui. Disposées autour d'une cour rectangulaire, au fond de laquelle se niche le pressoir et la grange, elles sont bâties en moellons de grès souvent sculptés, surmontées d'étages en bois et clôturées d'un portail en plein cintre derrière lequel s'abrite le mystère des vendanges. "Mittelbergheim, avec son Brandtluft et son Zotzenberg, fait partie des communes fort visitées par les marchands de vin", indiquait la Elsässische Neujahrsblätter de 1846. Dans le sillage des caves gravitaient autrefois une myriade d'artisans, tonneliers, forgerons, tailleurs de pierre, tisserands dont il ne reste plus que la mémoire archivée.

Rigueur et qualité
La viticulture est, aujourd'hui, l'activité principale du village. Ses vignerons se veulent les héritiers de la sagesse artisane. Tels des montagnards intègres, ils regardent avec curiosité ce qui vient de la plaine, ou de la vallée, toujours sceptiques à l'égard des certitudes et des vérités révélées. "C'est un village de Gaulois, qui fait les choses soigneusement, en contrôlant le risque, mais dont le résultat ne déçoit jamais", nous raconte un de ses habitants. Peu enclins aux engouements de la mode, ils cultivent l'individualité dans la conscience du travail correctement accompli.

La diversité de caractères trouve son dénominateur commun dans l'amour qui lie les vignerons à leur métier. A l'image des deux églises, la catholique et la protestante, qui se font face au centre de la localité, soulignant la tolérance des esprits, il existe une cordialité parfaite entre les différents viticulteurs qu'ils soient vignerons-récoltants ou exploitants-négociants. Régulièrement, ils se retrouvent dans le décor Renaissance du bâtiment communal pour organiser des dégustations où chacun exprime en toute liberté son opinion sur les vins de ses collègues. "Notre divinité, c'est le vin, notre credo la rigueur au service de la qualité ; ensuite dans la vigne et dans la cave chacun intègre dans son travail, ses idées, son expérience et sa personnalité", nous déclare Albert Seltz, président du syndicat viticole local. Dans la commune protégée par deux chapelles, il ne semble pas y avoir de place pour les querelles de clocher !

Le vin et l'homme
Cette réticence aux dogmes amène les vignerons de Mittelbergheim à s'interroger sur certains aspects de la doctrine des grands crus. Ce n'est pas par manque de foi, mais, face aux discours incantatoires, ils préfèrent s'en tenir à certaines réalités. "Les grands crus, quant au fond, sont la reconnaissance de ce que nos ancêtres avaient découvert, quant à la forme, le principe est louable lorsqu'il s'agit de limiter les rendements pour en extraire la quintessence du fruit et du terroir, mais combien sont conscients de cette exigence ? ", se demande André Wantz, maire de la localité et vigneron-récoltant. Il y a des années où la nature elle-même pousse à dépasser les seuils de rendement, il faut alors avoir le courage de déclasser la récolte plutôt que de faire des grands crus qui seraient une caricature, estiment les vignerons du Zotzenberg. Il est vrai qu'il peut y avoir des vins superbes provenant de terroirs sans prétentions, comme il peut y avoir des vins médiocres issus des grands terroirs. Cela dépend du vigneron, de sa sensibilité, de son savoir-faire.

Le terroir est primordial mais la personnalité d'un vin reste fondamentalement lié à l'homme qui l'élabore, estiment-ils : " Certes, notre démarche consiste à rechercher la meilleure adaptation entre terroir et cépage, mais il faut aussi admettre que dans les terroirs bénéficiant d'une structure géologique adéquate et d'un bon ensoleillement tous les cépages peuvent se sentir bien. L'expression finale dans la bouteille dépend du travail du vigneron ", déclare jean Pierre Rietsch. "Plutôt que dans les discours, c'est dans le verre que l'on découvre les qualités du terroir et le tempérament du vigneron", ajoute son collègue Patrick Schwob. A une époque où l'originalité de chacun semble se mesurer à la capacité d'imitation des dernières trouvailles du marketing, Mittelberghiem cultive la différence, par l'affirmation des convictions personnelles et l'attachement à certaines traditions. Une attitude qui s'incarne avec force dans la bataille pour la survie du sylvaner Zotzenberg que l'appellation grand cru exclut des cépages nobles.

Carte d'identité
Tels des Gaulois auxquels on voudrait supprimer leur potion magique, les vignerons de Mittelbergheim se déclarent prêts à faire de la défense du sylvaner un Casus Belli. En tant que dépositaires de la mémoire des ancêtres, ils pensent que ce serait faillir à leur mission que d'abandonner un cépage qui s'inscrit dans la carte d'identité du Zotzenberg. Sans doute, faut-il, dans les grands crus, un schéma directeur pour imposer une conduite rigoureuse aux adeptes de la facilité, mais cela ne justifié pas que l'on élimine du terroir des cépages qui ont fait sa réputation depuis plusieurs générations : "Qui a décidé que le muscat était un cépage noble, et que le sylvaner ne l'était pas ? s'interroge Thomas Boeckel. C'est être un mauvais père que de miser uniquement sur les enfants qui apportent la gloire, estime-t-il. Le combat pour le sylvaner n'a rien d'un baroud d'honneur, c'est une question de philosophie, renchérit Albert Seltz : "C'est un cépage subtil, fragile, délicat, discret. Telle une jeune fille qui a du charme, il attend l'homme qui le mettra en confiance. Bien vinifié il fait découvrir quelque chose que l'on ignore encore en Alsace, parce que jamais l'on ne s'est donné la peine de chercher à savoir, ce qu'un sylvaner peut donner quand il est produit dans les mêmes conditions et avec les mêmes rendements qu'un tokay pinot gris ou un gewurztraminer. "

En Alsace, il y sept cépages et les sept sont dignes d'attention, estiment les vignerons du Zotzenberg. Ce qui compte, c'est d'assumer les différences sans exclusion. " Il y a entre Marlenheim et Than une telle diversité de terroirs et de palettes aromatiques pour un même cépage, que même la Bourgogne nous envie ", affirment-ils. Dans ces conditions, toute tentative de classification devient réductrice et contraire à l'esprit qui anime Mittelbergheim.

Vous pouvez lire l'Avis du Connaisseur sur les vins issus de ce terroir.

Victor CANALES

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