Meilleure cuvée du pays

Rosacker

Bien avant que le poète Ronsard n'invite les belles du temps jadis à aller voir si la rose dorait sa robe de pourpre au soleil, les vignerons de Hunawihr récoltaient sur la colline bordée d'églantiers le nectar sublime de dame Nature : les vins du Rosacker (rosier sauvage) sont mentionnées dès 1483. A cette époque, les ducs de Wurtemberg administrent la contrée et veillent sur la qualité des bons crus hautement appréciés par les dignitaires du Saint Empire Romain Germanique.


Le Rosacker, dans la ligne de mire des trois châteaux des sires de Ribeaupierre qui dominent les hauteurs de Ribeauvillé, accroît la convoitise des nobles et des bourgeois pour le vignoble de la commune.

Hunawihr, à l'instar de nombreuses communes du piémont vosgien porte dans son acte de naissance sa parenté vigneronne. C'est par une donation de vignes du seigneur Huno au couvent de Saint-Dié que son nom apparaît dans l'histoire au VIIe siècle. Situé entre Ribeauvillé et Riquewihr, il participe au cours du temps à la prospérité de la viticulture alsacienne, en y ajoutant la marque de ses terroirs et la poésie de ses légendes. Tout au long du Moyen Age, le vignoble de Hunawihr alimente les caves des Dominicains de Bâle et de Fribourg-en-Brisgau et plus tard celles des seigneurs de Horbourg et de leurs successeurs, les comtes de Wurtemberg. Au XIVe siècle, rapporte la chronique locale, alors que certains villages payaient leurs redevances en livrant à leurs seigneurs des chapons, du vin rouge ou des deniers, Hunawihr livre uniquement du vin blanc.

Meilleure cuvée du pays
"Nous voulons être la commune où il y du bon vin", s'exclament les vignerons d'aujourd'hui. Le bon vin des noces de Cana qui jadis aurait coulé dans la fontaine de Sainte Hune, située à l'entrée est du village, et celui provenant de ses coteaux au nom évocateur de la rose.

La légende raconte qu'un jour d'automne, alors que les vignerons rentraient tristement au village, après une triste vendange dans un vignoble désolé par l'hostilité du temps, la dame Hune, épouse du seigneur Huno, fit miraculeusement jaillir de la fontaine où elle lavait humblement le linge des plus humbles le meilleur vin de toutes les cuvées connues dans la région. La dame bienfaitrice rejoignit le panthéon des saints après sa mort, tandis les coteaux de la commune prenaient le relais de la fontaine miraculeuse.

Telle une perle rare sur le "sentier des perles du vignoble", le Rosacker continue aujourd'hui à décliner son langage spécifique. Terroir marno-calcaire, aux sols lourds, composé de Muschelkalk supérieur et de marnes triasiques, parsemés d'éboulis gréseux et exposés au sud-est, il prodigue des vins, principalement des rieslings et des gewurztraminers, fortement typés : très expressifs, d'une belle acidité, aux arômes fins et persistants en bouche, promis à une belle évolution.

Confidents de la table
"La complexité est le principal trait de caractère des vins du Rosacker, affirme Christophe Mittnacht, vigneron-récoltant à Hunawihr. Paradoxalement, il ne faut pas s'attendre à trouver dans un riesling de ce terroir la délicatesse de la rose, ajoute-t-il, surtout s'il est jeune, l'expression première est quelque peu rustre, austère, elle peut étonner le consommateur non averti. En fait c'est le signe d'une forte personnalité. En vieillissant, cette complexité s'exprime dans plusieurs directions, dans la persistance d'une acidité agréablement fondue, la souplesse de la minéralité marno-calcaire, et la richesse aromatique." Le début du jugement est peut-être un peu sévère, estiment ses collègues Jean-Luc Mader et Dominique Mallo, "rien ne peut empêcher un nez raffiné de déceler l'églantine dans les vins du Rosacker et au palais délicat d'être séduit par une finesse comparable à celle des rieslings du Kirchberg de Ribeauvillé. Par contre, conviennent-ils, c'est vrai qu'il serait dommage de s'en tenir à l'impression retirée d'une simple dégustation, les Rosacker sont des confidents de la table, ils donnent le meilleur d'eux-mêmes associés à la gastronomie".

L'approche gastronomique des vins est d'ailleurs un élément essentiel pour comprendre les grand crus estiment les vignerons de Hunawihr. " A une époque où l'on présente de plus en plus le vin comme un produit nocif, comparable à n'importe quel alcool, il est important pour nous, déclare Ermel Jean David, d'expliquer que les vins de qualité s'inscrivent dans une démarche de qualité de vie. Le vin n'est pas un produit banal que l'on consomme pour tromper l'ennui, c'est un facteur de plaisir qui apporte son équilibre au repas ; l'un et l'autre se complètent et complètent les joies de l'existence."

Éducateurs du Goût
Tous les goûts sont dans la nature, dit-on communément, mais à force de discourir sur elle on s'en éloigne de plus en plus. "Le danger qui nous guette ce n'est pas celui de la concurrence d'autres pays producteurs, dit à cet égard, Fernand Ziegler, mais celui de l'uniformité des goûts. L'amalgame entre vin et alcool répand une image négative chez le consommateur et l'embrigade dans la banalité véhiculée par l'offre de produits standardisés". Certains vignerons sont à se demander s'il ne faudrait pas se transformer en éducateurs du goût pour éviter que les jeunes des pays de tradition viticole ne deviennent un jour semblables à ces populations de certains pays du nord où la consommation de vin est un luxe ou un délit, et dont la législation répressive n'a d'autre effet que celui de maintenir le taux d'alcoolisme le plus élevé d'Europe. Il est vrai que la confusion, la frustration ou le sentiment de culpabilité, inculqués aux individus, n'ont jamais été les meilleurs outils de la pédagogie, et qu'aujourd'hui on a tendance à prendre ce qui vient du "nord" comme parole d'évangile, quitte à oublier que le socle de toute civilisation est d'abord la mémoire de sa terre.

Visage du futur
Une mémoire à laquelle Hunawihr reste attaché comme la vigne à ses racines et sur laquelle se fonde sa foi en l'avenir quels que soient les écueils du présent. La notion de grand cru a permis de renouer avec l'esprit de terroir, c'est-à-dire de redécouvrir un patrimoine unique. Pour les vignerons du Rosacker cela implique un engagement personnel dans la voie de la qualité et de la diversité. Le propre d'un grand cru est de ne pouvoir être comparé qu'à lui-même car ni sa nature géologique ni le comportement des hommes qui le travaillent ne sont jamais identiques à ceux d'un autre grand cru. "Il y a certainement beaucoup de choses à apprendre encore des terroirs, somme toute une vie de vigneron se résume à une quarantaine de récoltes, c'est peu face au potentiel mystérieux de la terre. Cependant, si l'on regarde en arrière, ce qui a été accompli nous donne confiance en l'avenir", dit en guise de conclusion Jacques Sipp-Mack, président du syndicat viticole local.

Janus, l'un de plus anciens dieux du panthéon romain, était pourvu de deux visages opposés, l'un regardant devant lui, l'autre derrière. C'est lui qui introduit la culture du sol sur les hauteurs du Capitole et appris aux hommes l'honnêteté parfaite leur permettant d'accéder à l'âge d'or. Les vignerons du Rosacker sont fidèles à la légende...

Vous pouvez lire l'Avis du Connaisseur sur les vins issus de ce terroir.

Victor CANALES

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