Aritisan-vigneron

Mandelberg

Au cœur du sentier viticole qui relie "les perles du vignoble " alsacien, le Mandelberg protège la vigne et la commune de Mittelwihr des rigueurs des vents du nord. La douceur méridionale dans la cité blottie aux pieds du vignoble, le caractère affable de ses vignerons et la générosité des vins issus du terroir, permet de situer "le midi de l'Alsace" au pied de "la colline des amandiers".


Un jour Charlemagne, en route vers l'Italie, fît une halte sur les hauteurs de Mittelwihr, sans doute pour se désaltérer à la source des bons crus. Lorsque sa caravane repartit, d'étranges coquilles jonchaient le sol. Les gens les enfouirent sous terre, pour éviter tout mauvais présage, et quelque temps après on vit fleurir des amandiers. Ainsi naquît, dans la légende, le Mandelberg, la "colline des amandiers" où la vigne, dit-on, s'épanouissait déjà à l'époque romaine.

Aritisan-vigneron
La culture des fruits du Bassin méditerranéen marquait autrefois les limites des conquêtes des légions de Rome.

La vigne et l'amandier étaient les symboles d'une civilisation nouvelle. Sur le Mandelberg, ces plantes mythiques sont aujourd'hui aussi inséparables qu'elles l'étaient jadis dans leurs pays d'origine. Elles sont devenues l'emblème de l'identité de Mittelwihr. Une identité exclusivement vigneronne qui se traduit par le nombre important d'exploitations familiales vouées à la culture de la vigne : une quarantaine de propriétaires se répartissent les 200 hectares du vignoble local. Tandis que dans les communes voisines les entreprise viticoles se réduisent comme peau de chagrin, sous l'effet de la concentration ou du négoce, au pied du Mandelberg se perpétue la tradition de l'artisan-vigneron, celui qui affine son ouvrage jusqu'à la perfection et s'identifie au résultat de son travail.

Les vins de Mittelwihr ont connu les siècles de gloire qui ont fait la richesse des communes du piémont vosgien et n'ont pas été épargnés par les vicissitudes qui ont failli anéantir la viticulture alsacienne. Des guerres ont dévasté le vignoble, des épidémies l'ont décimé, certaines pratiques l'ont dénaturé au cours du temps. L'évolution de la société a transformé les modes de vie et de travail, mais toutes ces épreuves sont venues confirmer la nécessité d'être authentique. Par-delà les aléas de l'histoire, les habitants de la commune ont su retrouver la confiance en leur terroir.

Héritage
La dévotion que la petite localité prodigue à son grand cru s'inscrit dans cet héritage viticole : "Mittelwihr a de tous temps réservé un sort particulier à son meilleur terroir, le Mandelberg, connu depuis l'époque romaine pour la qualité de son sol et son exposition", raconte Eugène Finance, vigneron-récoltant à la retraite et historien de la cité. A une époque où les moines défricheurs faisaient fleurir l'Evangile sur les pentes des collines sous-vosgiennes, nobles et ecclésiastiques se disputaient, ici comme ailleurs, le meilleur du vignoble. La multitude de parcelles qui composent le grand cru et leurs lointaines appellations témoignent de la ferveur dont la colline jouissait, dès le Moyen Age, auprès des seigneurs de Horbourg et de Wurtemberg, maîtres de la localité, et des diverses abbayes de Saint-Dié, Ebersmunster, Murbach, Pairis toujours en quête de stimulant liturgique.

Les temps changent, la nature semble immuable. Les amandiers de Charlemagne fleurissent chaque année annonçant le printemps et le bourgeonnement précoce de la vigne sur le Mandelberg. Le même soleil réchauffe la même terre, le maigre sol marno-calcaire garant de la longévité des vins. Les gestes accomplis par les vignerons d'aujourd'hui ressemblent étrangement à ceux de leurs ancêtres. Le terroir exprime toujours une vérité profonde que les hommes se chargent de mettre en valeur. Les vins de messe et de monarque de jadis s'appellent désormais rieslings et gewurztraminer.

L'excellente structure marno-calcaire et la remarquable exposition du Mandelberg donnent une grande typicité à ces fleurons de la viticulture alsacienne. Les marnes apportent la légèreté et le calcaire le raffinement. Elégance et finesse sont les principaux traits de caractère des vins de ce terroir. " Les Rieslings, en vieillissant, se rapprochent, par leur côté minéral, de ceux du Kirchberg de Ribeauvillé ou de l'Altenberg de Bergheim, mais ils sont moins longs à s'épanouir et moins corsés, du fait de la faible quantité d'argile sur le Mandelberg. Dans leur jeunesse, ils possèdent une grande expression florale, ils sont frais et plaisants et d'un bel équilibre", explique Patrick Schaller, artisan-vigneron à Mittelwihr. "Les gewurztraminers, remarque son collègue Jean-Paul Mauler, sont faits de charme et de rondeur, avec un joli bouquet bien en fleur et une belle fraîcheur en bouche".

Diversité
Sans fausse modestie ni fanfaronnades, l'artisan-vigneron de Mittelwihr chérit les vins de son terroir comme on chérit ses enfants. "Nous faisons des vins capables de réjouir les palais les plus illustres", déclare avec malice Ziegler-Mauler. " Notre but n'est pas d'affirmer que nos vins sont les meilleurs, rétorque le souriant Jean-Paul Specht, mais d'atteindre la plus haute qualité". Une qualité imposée par la diversité des grands crus qui composent le sentier "les perles du vignoble", mais aussi par la propre diversité des vignerons sur le Mandelberg.

"La structure géologique du terroir trace les grandes lignes de l'architecture d'un vin, mais sur le fond il y a une multitude d'éléments qui font la différence entre chaque bouteille, explique Philippe Gocker, président du syndicat viticole, la profondeur du sol, la nature du calcaire ou de l'argile, le microclimat. Mais aussi la dimension des grains des raisins. Les arômes se concentrent sur la pellicule du fruit, plus il y aura de grains plus les arômes du vin seront expressifs. A cela s'ajoute le travail dans la vigne et dans la cave. L'écologie de la cave a aussi son importance : les micro-organismes, la température, le terrain sur lequel elle est bâtie. Et puis, il faut reconnaître, ajoute Philippe Gocker, que chaque vigneron élabore son vin en fonction de son goût personnel."

L'artisan-vigneron devient un éducateur qui transmet ses goûts à ses clients. Vendre du vin, c'est pour lui créer une relation humaine faite de disponibilité, de contact, de sympathie vis à vis du client. "Nous parlons du vin et de l'univers qui l'entoure. Nous faisons découvrir aux citadins une réalité qu'ils ignorent, en fait nous contribuons à répandre une culture millénaire", explique Ph. Gocker. Ce partage inhérent au métier de vigneron est aussi indispensable à sa survie. "Le futur de certains grands crus dépendra de l'intérêt que l'on saura éveiller et maintenir chez le client", souligne à cet égard Frédéric Mallo de Hunawihr.

Tissu social
La tâche est exaltante, mais pas toujours aisée. Les réalités du marché, les modes de vie et de consommation actuels exigent un dynamisme constant de la part du vigneron : "Autrefois, les gens venaient chez nous, maintenant il faut aller les débusquer", argumente Greiner-Scheret de Mittelwihr. "Les vieux, poursuit-il, avaient réussi à fidéliser une clientèle, à une époque ou la concurrence était moins vive". Or, très souvent la clientèle suit l'âge du vigneron. Quand celui-ci se retire, l'autre tend à disparaître.

Face à ces réalités la nouvelle génération de vignerons doit redoubler de courage pour être, à la fois, dans sa vigne et dans sa cave, sur les salons de vins et les foires professionnelles. "La situation n'est pas insurmontable, à condition que l'on cesse de nous embrigader dans le carcan de la paperasserie", s'exclame Siegler-Mauler, épinglant au passage les administrations tatillonnes. "C'est une erreur fondamentale, constate P. Gocker, de vouloir traiter nos entreprises comme des sociétés industrielles. Les impératifs ne sont pas les mêmes : la géographie, le climat, notre matière première ne peuvent pas être normalisés".

Le caractère artisanal des vignerons fait la richesse d'un terroir. A Mittelwihr la diversité n'est pas un simple slogan commercial, c'est la base du tissu social du village, l'âme du vignoble qui cimente une communauté d'intérêts.

Carte d'identité
Grand Cru Mandelberg. Commune de Mittelwihr, avec empiétement sur Beblenheim. Environs 20 hectares.

Revendiqué depuis 1925. Classé en 1992.

Sol marno-calcaire sur des conglomérats du tertiaire. Peu profond (10 cm par endroits). Exposition sud-sud-est.

Vins de grande noblesse, surtout Riesling et Gewurztraminer. De très bonne garde, ils peuvent aussi être consommés jeunes, au bout de deux ou trois ans.

Vous pouvez lire l'Avis du Connaisseur sur les vins issus de ce terroir.

Victor CANALES

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